Marchant comme à l’accoutumée, lentement. Sans regarder vraiment. C’est plutôt la rue, ses murs, son haleine et ses habitants qui me regardent, marchant. Souvent alors, il me vient l’étrange impression d’être posée là comme un objet incongru dans un décor inapproprié. Étranges me sont les rites que j’observe, les démarches, les sons, les gestes, une violence accolée à des images douces ; parfois, au contraire, j’aime la fluidité qui fait de moi un élément soumis de ce grand fleuve sans lit.
En être ou ne pas en être : ce n’est guère une question de choix, mais plutôt d’opportunités. Jamais la sensation d’adhésion à un énorme corps social flottant ne me rassure, souvent, elle m’effraie, encore qu’elle soit si rare. À mon esprit défendant, je suis un persan qui s’ignore et découvre avec surprise des choses qui lui échappent. À mon esprit ravi et qui acquiesce avec allégresse, il se produit parfois d’heureuses rencontres, des portes s’entrouvrent sur des univers insoupçonnés : quoi, cela existe, cette créativité, cette joie , cette assurance ? Je ne m’y sens pas toujours invitée mais au fond, j’ai appris que la solitude, compagne traditionnelle des écrivains, est une amie …et que loin d’être dure, elle est magnanime et attentive à me garder…
